Entre artisans : Est-ce que mon engagement éco-responsable est un argument de vente ?

Entre artisans
29 juin 2021
Entre artisan, engagement éco-responsable


Depuis quelques années, nous sommes témoins chez Hopfab de l’intérêt croissant des professionnels et des architectes d’intérieur pour la maîtrise de l’impact environnemental et/ou de l’impact pour la santé de leurs projets. Ces nouvelles attentes des clients poussent les ateliers à challenger leur manière de sourcer, de produire voire même d’organiser le développement de leur société.

Aujourd’hui nous vous emmenons à la rencontre d’un atelier du réseau Hopfab d’une quarantaine de collaborateurs, situé en Loire Atlantique et pionnier sur la question. Un échange sans filtre ni tabou avec Benjamin, directeur commercial, sur la manière dont l’atelier a fait de son engagement pour une production responsable la colonne vertébrale de son développement.

Bonjour Benjamin, votre atelier revendique une production éco-responsable, peux-tu nous dire ce que cela veut dire concrètement ?

La base de notre atelier, c’est un engagement sur une production avec des matériaux biosourcés et durables, c’est-à-dire des matériaux qui ne sont pas sur-industrialisés. Nous sommes partis du matériaux le plus simple pour faire du meuble, le bois massif, et nous n’utilisons aucuns mélaminés, stratifiés, agglomérés ou mdf. Cet engagement pour l’éco-responsabilité démarre dès le bureau d’étude au niveau de la conception des projets, et jusqu’à l’atelier avec les étapes de fabrication et de finition. Nous avons mis plus de 2 ans à développer en interne un vernis biosourcé à 98% à base d’algues.

Il y a donc une logique de recherche et développement dans votre approche du métier. Est-ce que cela impacte également l’entreprise au niveau de la gestion des équipes, l’organisation et la relation client ?

Oui, il y a toute une démarche RSE en place. Nous avons testé des choses, l’holacratie notamment – un système de management horizontal où il n’y a pas de chef et dans lequel chacun est responsable de ce qu’il fait -, avant de réaliser que c’était trop compliqué. Dans un atelier de production, ce n’est pas facile à mettre en place, nous avons essayé pendant cinq ans mais nous nous sommes rendu compte qu’une partie du personnel s’y perdait et avait besoin d’un management. Aujourd’hui nous avons un mélange d’holacratie et d’entreprise libérée pour encourager la liberté et la responsabilité d’initiative de chacun.

Est-ce que l’engagement a toujours été présent ou est-ce que cela s’est construit avec les années ?

L’entreprise a été créée en 1989 par un militant écologique qui s’est rendu compte que personne ne proposait des aménagements de magasins avec des matériaux sains. A l’origine l’engagement de l’entreprise était tellement fort qu’il nous est arrivé de refuser de travailler avec certains clients qui n’étaient pas assez “propres”. En 2014 l’entreprise a été rachetée et nous avons dû nous ouvrir pour être à l’écoute de tout le monde tout en étant intransigeants sur ce que nous proposons. Nous répondons donc à tous les marchés en proposant des variantes en remplacement du médium, mélaminé et autre. Ça nous fait perdre quelques projets mais ça nous permet de faire de la pédagogie et de montrer aux architectes qu’il est possible d’utiliser des matériaux plus sains. Nous constatons depuis quelques années que l’argument fait mouche et que nous arrivons petit à petit sur des marchés qui nous correspondent totalement.

Quel a été le vecteur de ce changement chez les clients ?

Nous avons la chance d’avoir une clientèle historique engagée et militante qui n’a fait que grossir et qui nous a permis d’agrandir notre clientèle naturellement. Depuis 3-4 ans nous avons décidé d’investir dans la prospection et l’éducation afin d’accompagner le changement dans le secteur de l’agencement. Nous accompagnons les porteurs de projets et les architectes d’intérieur très en amont dans les projets pour intégrer ces enjeux d’éco-responsabilité. Nous nous rendons compte que les générations à venir sont très engagées et qu’il y a un réel intérêt sur l’agencement éco-responsable.

Quels sont les freins que vous rencontrez aujourd’hui ? Est-ce financier ?

Parfois en effet le prix peut-être un sujet car nous ne serons pas pertinents sur certains postes, mais globalement lorsque nous répondons à un marché, nous sommes capables de nous positionner. Le principal frein que nous rencontrons c’est lorsque nous sommes consultés en fin de projet et que c’est trop compliqué de faire évoluer le cahier des charges à ce moment-là. Si on change les produits, il faut réadapter toutes les fiches techniques et cela crée une complexité administrative. Mais on remarque que les architectes sont de plus en plus matures vis à vis de ces enjeux et qu’après un ou deux marchés perdus nous développons avec eux une vraie relation de conseil qui finit par porter ses fruits. Il y a par exemple une thématique autour de la qualité de l’air, qui conduit de plus en plus les architectes à travailler avec nos matériaux. Le marché devient de plus en plus mature.

Est ce qu’en passant par un atelier comme le votre, les clients attendent des preuves tangibles de leur démarche type certification ?

Cela dépend des clients, certains sont déjà engagés dans une démarche RSE et connaissent les matériaux et problématiques liés au sujet.

A contrario certains clients viennent sans être encore réellement engagés nous avons alors à disposition des cahiers des charges bien définis. Même si de base le client vient chez nous avec l’idée de mettre en lumière une communication RSE, nous sommes contents de pouvoir travailler avec eux, parfois ça leur permet de se mettre le pied à l’étrier et de rentrer par la suite dans une vraie démarche RSE.

Comment est ce que vous valorisez votre engagement en en faisant un facteur de différenciation par rapport à d’autres acteurs ?

Nous sommes déjà différents de 90% des entreprises sur le marché, prendre la parole est donc assez simple. Depuis 2 ans nous communiquons via les réseaux sociaux ainsi que via la presse. Par ces biais nous essayons de mettre en lumière notre démarche responsable notamment vis à vis de nos matériaux et de la façon dont nous les sourçons. L’objectif est finalement d’exprimer notre raison d’être.

Parallèlement nous avons entamé une démarche pour être certifié B corp, nous permettant d’être reconnus pour ce que nous faisons mais également d’être dans une dynamique d’apprentissage et d’amélioration continue.

Aller chercher cette certification B corp représente combien de temps de travail ?

Le processus est certes long mais très important à nos yeux. Nous sommes deux au sein de l’entreprise à travailler dessus depuis le mois de septembre à hauteur d’une demi-journée tous les quinze jours. Nous avons également une équipe de 5 étudiants de Science Po qui travaille régulièrement dessus.

À partir de quelle taille d’entreprise est-il intéressant d’entreprendre cette démarche de certification ?

Tout le monde peut se lancer dans cette aventure néanmoins, le processus étant très long et demandant beaucoup de travail je pense qu’à partir d’une dizaine d’employés cela semble raisonnable.

La révolution production responsable est-elle en marche ? Et selon toi quels sont les secteurs les plus moteurs ?

Indéniablement la production responsable prend de plus en plus d’ampleur encouragée notamment par la crise sanitaire qui n’a fait qu’amplifier la prise de conscience générale.

On le voit notamment dans le secteur tertiaire qui de plus en plus crée des aménagements sains, modernes et tendances avec cette notion de “verdissement” demandée notamment par les patrons d’entreprises pour faire des espaces de travail agréables pour leurs employés.

Le secteur de la petite enfance est quant à lui aussi très en avance pour des questions évidentes autour de la santé des enfants. Le retail a lui aussi une longueur d’avance avec certaines marques construites sur une ADN responsable, il s’en va de même pour les boutiques qu’elles aménagent.

Le secteur de l’hôtellerie et la restauration semble un peu en retard, on sent un questionnement mais l’implication et la prise de décision n’est pas encore là.

Ce que je trouve important de souligner et dans tous les secteurs confondus c’est qu’il est possible d’avoir une entreprise d’éco conception, de faire des choix portés sur une démarche responsable et d’être une entreprise durable. Aujourd’hui nous sommes heureux de gagner notre vie en faisant les choses bien en alliant responsable et modèle économique viable.

Quels conseils donnerais- tu à un atelier qui souhaiterait s’engager ?

Premièrement ce serait de regarder ce qui existe sur le marché en termes de matériaux et notamment comme types de panneaux qui sont faciles à utiliser donc pratiques.

Il existe aussi des scieries ou l’on peut s’approvisionner avec des panneaux déjà pré collés;

Puis faire une veille produit sur tout le reste, au début cela peut paraître long et contraignant mais au final c’est hyper intéressant. Attention quand même à bien analyser les fiches techniques, on peut avoir des surprises !

Et n’hésitez pas à nous contacter, nous sommes prêts à donner pleins de conseils.